On les appelle sages-femmes hommes ou… maïeuticiens, et ils représentent 1 % de la profession. Anthony Weber est l’un d’eux, et c’est un passionné.
Avec son pull à col roulé, ses lunettes au look vintage, ses yeux clairs et son doux sourire, Anthony Weber ressemble à un étudiant frais émoulu de la Sorbonne. Pourtant, à 28 ans, il est « sage-femme » depuis déjà quatre ans. « Sage-femme ? Oui, c’est un terme que l’on utilise aussi pour les hommes. On dit aussi « maïeuticien » » , sourit le jeune homme.
« Les résultats au concours de médecine m’ont laissé plusieurs choix : kiné, dentiste, pharmacien et sage-femme, explique-t-il. Je n’ai pas hésité une seconde ! Moi qui rêvais d’être médecin urgentiste, je ne me voyais pas confiné dans une officine ou penché sur un fauteuil de dentiste. »
Une émotion puissante
« Pendant les études, nous étions quatre hommes pour vingt-trois femmes, la plupart d’entre eux ont fini par abandonner. » Au cours de son cursus à l’école de sages-femmes de Limoges, Anthony se découvre une vraie vocation. Il apprend tout, si l’on peut dire, sur le bout des doigts. A commencer par l’accouchement. « J’ai fait naître une centaine d’enfants. Des moments absolument bouleversants et géniaux » , s’enflamme-t-il. Son premier accouchement reste gravé dans sa mémoire. « J’étais encore étudiant, donc accompagné d’une sage-femme expérimentée, qui m’a laissé faire mes « premiers pas ». La petite fille est née sans problème, ça s’est très bien passé. Ce qui m’a frappé, c’est l’émotion. C’est tellement puissant, une naissance ! Quand on l’a déposée sur le ventre de sa mère, tout le monde s’est mis à verser sa larme : la maman, le père… et moi, par contagion. » Il rit. En revanche, quelque temps après, il se retrouve face à un problème sérieux : « Au moment de la délivrance, une jeune femme a fait une hémorragie. J’étais seul en piste, j’ai dû me débrouiller. Il y avait un vrai risque pour la vie de la mère. Mais j’ai assuré. »
Dépasser les a priori
Anthony est aujourd’hui à la tête de deux cabinets médicaux privés, l’un en pleine campagne, à Dun-le-Palestel (Creuse), l’autre en ville, à Châteauroux (Indre). Il se consacre à la préparation à la naissance et aux suites de couches. Le premier rendez-vous est une surprise pour certaines femmes. « Parfois, ça coince un peu… Certaines patientes n’ont pas envie que je les examine. D’autres sont tellement étonnées de ne pas se retrouver face à une femme qu’elles me taquinent : moi qui suis homme, jeune, qui n’ai pas d’enfant, de quel droit puis-je les conseiller ? Je leur réponds que je suis hyperprofessionnel. Et elles s’en rendent vite compte ! » Quant aux futurs papas, il a une relation très directe avec eux. Ils lui posent des questions avec plus de liberté que s’il était une femme. « La petite fille est née sans problème. Tout le monde a versé sa larme, la mère, le père… et moi ! » Si Anthony ne s’occupe plus de naissances, il n’oublie pas de donner des conseils aux jeunes femmes à J-1. « La première clinique est située à quarante-cinq minutes en voiture de Dun-le-Palestel. Toutes les femmes craignent de ne pas arriver à temps ! Je leur réponds qu’on accouche rarement en moins d’une heure ! » Pour autant, il assure ses arrières : « Elles ont mon numéro de portable et j’accours si je suis à proximité. Sinon, je leur fournis les recommandations de base : sécher le bébé avec une serviette chaude, ne pas donner de bain et attendre la sage-femme pour couper le cordon. Je leur conseille d’en profiter, de regarder leur bébé, ses premières mimiques, et parfois même ses premiers pas, quand il crapahute avec maladresse sur leur ventre. Il ne faut pas louper ça ! »
Quand il deviendra papa à son tour…
Anthony pratique aussi des examens gynécologiques de routine, et est même habilité à faire des frottis : « Le champ d’action d’un(e) sage-femme est vaste. Hier, justement, j’ai prescrit une mammographie à une patiente chez qui j’ai décelé un nodule, à la palpation. »
Quand il rentre chez lui, Anthony retrouve sa compagne, Julie… sage-femme ! « J’avoue, on parle beaucoup boulot. » Et devenir parents ? Il sourit : « Cela fait partie de nos projets ! Mais je m’interroge sur mon rôle pendant l’accouchement. Est-ce que je serai le père ou le sage-femme ? »
Dans tout ce bonheur, une seule ombre au tableau : son père, qu’il ne voit plus depuis sept ans. « Il rêvait d’un fils médecin. Quand il a appris que je voulais être sage-femme, il m’a fermé la porte au nez. » Il hausse les épaules. « Un jour, nous nous retrouverons. »
Les maïeuticiens en 3 points
– Une masculinisation récente. La profession n’est ouverte aux hommes que depuis 1982.
– Cinq ans d’études. Après le bac, il faut faire un an d’université, puis quatre ans dans une école de sages-femmes (il y en a trente-huit en France.)
– Un métier évolutif. Les maïeuticiens ont également des compétences en prévention, diagnostic et prescription.
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